Nous avons eu le privilège d’interviewer Antoine Collomb-Patton, un athlète inspirant, originaire de Thônes, qui repousse sans cesse ses propres limites dans le domaine du ski nordique handisport. Sourd depuis sa naissance, Antoine fait partie de l’équipe de France de ski nordique handisport et s’est récemment illustré en remportant la médaille de bronze aux Deaflympics en Turquie le 9 mars dernier. Découvrons ensemble son parcours exceptionnel et ses ambitions pour l’avenir.

Comment as-tu débuté ? Racontes-nous ton parcours sportif.

Mon histoire sportive a commencé dès mon plus jeune âge. Mon père, moniteur de ski, m’a initié aux plaisirs de la glisse dès l’âge de 17 mois. J’ai ensuite évolué dans le milieu de la compétition en ski alpin au Club des Sports de La Clusaz. Parallèlement, je pratiquais le ski de fond en loisirs, ce qui m’a permis d’améliorer mon endurance pour mes activités footballistiques, notamment l’arbitrage. Progressivement, j’ai développé une passion pour le ski de fond et j’ai décidé de me lancer dans la compétition. En 2020, j’ai eu l’honneur d’intégrer l’équipe de France de ski nordique handisport, ce qui a marqué le début d’une nouvelle aventure sportive pour moi.

Peux tu nous en dire un peu plus sur ton handicap ?

Je suis né avec une surdité profonde, affectant mon oreille gauche à 100% et mon oreille droite à 95%. Depuis l’âge de 1 an et demi, je porte des appareils auditifs, mes parents ont toujours voulu que je puisse m’intégrer et communiquer avec tout le monde. C’est ainsi que nous avons appris à communiquer à travers le langage parlé complété, une technique qui combine gestes et mouvements des lèvres pour m’exprimer et comprendre les autres. Malgré ce défi, ma passion pour le ski est restée intacte, et j’ai pu la vivre pleinement, jusqu’à atteindre le très haut niveau et rejoindre l’équipe de France. J’ai su m’adapter malgré les défis supplémentaires que pose ma surdité, notamment en termes d’équilibre dû à la sensibilité réduite de mon oreille interne. J’ai travaillé ma proprioception avec l’aide de mes kinés et je me suis entraîné avec des athlètes valides afin de réaliser des performances tout à fait honorables.

Quels objectifs avais-tu pour cette saison ?

J’ai déjà eu la chance de remporter plusieurs titres, dont celui de vice-champion de France Handisport nordique en 2020-2021 et en 2022-2023, ainsi que le titre de double champion de France en biathlon et ski de fond. Pour la saison actuelle, mon objectif principal était de me démarquer lors des derniers Deaflympics en Turquie, où j’ai eu l’immense honneur de remporter la médaille de bronze avec mon coéquipier Loïc Cros. Cette expérience m’a donné une motivation supplémentaire pour continuer à progresser et à viser de nouveaux objectifs dans ma carrière sportive. Le 29 mars, je participerai aux Championnats de France handisport de ski de fond qui auront lieu à Peisey-Vallandry.

Les deaflympics

  • Les Deaflympics est une compétition internationale, exclusivement réservée aux personnes sourdes ou malentendantes. Établies en 1924, ces jeux olympiques offrent une scène mondiale où les athlètes sourds du monde entier rivalisent dans diverses disciplines sportives. Les Deaflympics se tiennent tous les quatre ans.

Comment se déroule ta préparation ?

Ma préparation est intense et rigoureuse. Je m’entraîne pratiquement toute l’année, en alternant entre différentes disciplines et en adaptant mon programme en fonction des phases d’entraînement. Je travaille essentiellement sur l’endurance fondamentale, en combinant des séances de footing, de vélo et de musculation. Ensuite, je rajoute des sessions de ski à roulettes et je continue à diversifier mes entraînements tout au long de la saison estivale. À partir de fin octobre, je reprends le ski sur neige et je me concentre sur les chronos en vue des compétitions à venir.

© Pierre Maullet

Comment concilies-tu ton activité professionnelle avec tes ambitions sportives ?

Travailler à temps plein comme technicien chez Injection 74 peut parfois représenter un défi, mais j’ai la chance de bénéficier d’un emploi du temps flexible qui me permet de consacrer du temps à mes entraînements. Je travaillais de 5h du matin à 13h, puis enchaînais l’après-midi sur les skis de fond jusqu’à la fermeture de la station.

Pour la saison en cours, j’ai trouvé un accord avec mon employeur pour travailler à mi-temps d’octobre à fin mars, ce qui m’a permis de me concentrer pleinement sur la préparation des Deaflympics. Je suis reconnaissant envers mes employeurs pour leur soutien et leur compréhension, ce qui me permet de poursuivre mes ambitions sportives tout en maintenant une carrière professionnelle épanouissante.

Tu as la chance, aujourd’hui, d’être sponsorisé, peux tu nous en dire plus ?

Le soutien de mes sponsors : Monod Immobilier, Crédit agricole des Savoie, Salomon, KV+, Julbo, Odlo, TSL, le Club des Sports de la Clusaz et la Mairie de Thônes est essentiel dans mon parcours, et je leur en suis profondément reconnaissant. Grâce à mes partenariats, je peux payer les déplacements, les hébergements mais aussi l’achat de matériel lors des compétitions. Avec leur encouragement, celui de ma famille et ma détermination, je suis convaincu que je peux atteindre mes objectifs et continuer à aller de l’avant.

As-tu des ambitions pour la suite ?

Mon rêve ultime était de participer aux Deaflympics et de porter haut les couleurs de la France. Intégrer l’équipe de France handisport a été un premier pas vers la réalisation de ce rêve, mais je ne compte pas m’arrêter là. Je m’entraîne également pour concourir avec les valides, car je crois fermement en la capacité du sport à transcender les différences. Au-delà des compétitions, mon objectif est de continuer à progresser, à repousser mes limites et à inspirer les autres par mon exemple.

Comment vois-tu ton avenir sportif ?

Tant que je me fais plaisir et que je suis animé par la passion, je sais que je suis sur la bonne voie. Je suis également motivé par le désir de représenter à nouveau fièrement mon territoire et de repousser mes propres limites lors des prochains Deaflympics de Pyongyang en Corée du Sud, en 2027.