Nous aimons tous savoir ce que nous retrouvons dans nos assiettes, c’est pour cela que nous sommes allés visiter l’atelier de fabrication de Régis Bozon. Artisan charcutier à Thônes, il produit lui-même toutes les charcuteries qu’il vend sur ses étals : saucisses fumées, saucissons, saucisses pur porc (diots) ou autres jambons. Nous avons pu découvrir les entrailles de son atelier de fabrication situé à Thônes, où salaison, fumage et séchage transforment la viande en de délicieuses charcuteries artisanales. Régis a bien voulu partager tous ses secrets (ou presque… il faut bien garder une part de mystère) !
Alors partons à la découverte de la fabrication du saucisson de Savoie, qui mettra vos papilles en éveil.

Qui est Régis Bozon ?

Régis est originaire de la vallée. Il est né et a toujours vécu à Thônes. Il n’a pas grandi dans une famille de bouchers – charcutiers, ses parents étaient éleveurs et négociants en bestiaux et Régis a grandi derrière les vaches. Son père livrait une fois par semaine des bêtes aux abattoirs de Thônes.

Quand J’étais petit, je regardais souvent mon père travailler. J’étais toujours avec lui !

Portrait de Régis Bozon à Thônes

Et puis en 1968 alors que Régis n’avait que 15 ans, la Maison Berthier, boucherie – charcuterie très réputée à l’époque à Thônes, lui a proposé de venir faire cuire les poulets en préparation des fêtes de Pâques. Passionné et travailleur, le patron de la Maison Berthier lui a proposé un contrat de 2 ans chez lui, à Thônes.

C’est à partir de ce moment là que j’ai compris que c’était CE métier que je voulais faire.

Puis, après ces 2 années passées chez Berthier, il est parti en Suisse pour faire un apprentissage de boucherie – traiteur dans le plus bel établissement genevois, qui l’a perfectionné dans le savoir-faire de la profession.

A l’âge de 25 ans, Régis s’est mis à son compte à Thônes, où il a commencé à vendre uniquement sur les marchés, en achetant et revendant de la marchandise. Par la suite, il a créé son atelier de transformation et a commencé à fabriquer ses saucissons, saucisses, diots et jambons fumés. Il y a quelques années de cela, Régis a fait plusieurs apparitions télévisées avec Jean-Pierre Coffe, Jean-Luc Petitrenaud, Michel Drucker et tant d’autres. Il a participé au salon mondial de la gastronomie à Milan et au concours international de la charcuterie, regroupant au total 1 500 représentants, où il a été médaillé de bronze dans la catégorie saucisson extra maigre.

Je vais refaire un concours l’année prochaine dans la catégorie rillettes. Je suis en train de peaufiner ma recette mais je vise une bonne place !

Il a également ouvert plusieurs boutiques au Grand-Bornand, à La Clusaz, aux Saisies, à Chamonix…
Aujourd’hui il n’a conservé qu’une seule boutique physique au Grand-Bornand, ouverte en 1979, ainsi que son atelier à Thônes.

Vous pouvez le retrouver sur les marchés de la vallée :

  • Les samedis matin à Thônes, le plus gros marché des Aravis
  • Les lundis matin à La Clusaz
  • Les mercredis matin au Grand-Bornand
  • Les dimanches matin à Saint-Jean-de-Sixt, uniquement en été (juillet-août)

Étant plus jeune, Régis était passionné par la vitesse et a même été médaillé plusieurs fois dans différentes disciplines. Il a toujours eu envie de foncer, comme dans son travail !

Je bosse pour profiter de mes passions. C’est ça mon plaisir !
Mon autre petit pêché mignon, c’est la pâtisserie… j’adore faire des desserts. Et puis, dès que j’ai 1h – 2h de temps libre, je pars en montagne, dans la nature !

L’artisanat savoyard

Régis nous confie :

c’est avant tout un métier de passion 

En effet, il ne faut pas trop compter ses heures, et avoir l’amour du métier. C’est un métier où il faut avoir un odorat développé et une sensibilité dans les doigts. Le produit fini est réussi surtout grâce à l’œil et au touché de l’artisan charcutier, mais également à la découpe du produit. Le visuel est très important dans ce métier.

Les matières premières

Régis choisi avec précaution la matière première principale : la viande de porc. Il achète sa viande chez un regroupement de producteurs qui élève des porcs labellisés Montagne dans le Jura. Les porcs partent à l’abattage le lundi et la livraison est effectuée le mardi, donc la fraicheur et la qualité de la viande sont garanties. En plus de ça, le temps de transport est réduit, 3h30 de transport pas plus… c’est mieux pour la viande et pour la planète !

J’achète des porcs qui sont Label Rouge de préférence, en tous cas tous élevés aux céréales. Il me faut de la viande sèche, c’est l’avantage d’une viande élevée aux céréales, c’est plus facile à travailler et j’ai un meilleur rendu pour les saucissons !

La sciure et le genévrier sont les ingrédients indispensables dans le fumage des viandes et charcuteries. Régis a choisi de la sciure de sapin qu’il achète chez un scieur à Flumet (en Savoie). Il l’achète là-bas car cette scierie n’utilise pas de graisse pour la scie, ce qui permet d’avoir la sciure la plus neutre possible.

Les autres ingrédients sont plutôt communs : sel, poivre, épices et légumes.

Pour faire une bon saucisson, il faut…

Dans son saucisson, Régis utilise seulement :

  • De l’épaule de porc
  • Du sel
  • Du poivre
  • Des épices

Tout simple n’est-ce pas ?

Régis nous confie mettre seulement 26g de sel dans son saucisson pour 1kg de viande quand les saucissons industriels contiennent 46g de sel, additionnés à 20g de sucre ou sirop de glucose pour contrebalancer le trop plein de sel… il y a très souvent du nitrite également.

Le petit + :
Dans le saucisson fumé, Régis rajoute un verre de réduction de carotte pour donner un bon goût et une belle couleur !

Les étapes d’affinage

Régis fabrique toutes sortes de charcuteries : jambon blanc, jambon aux herbes, saucissons natures, jambons fumés, jarrets fumés, rosette, diots natures, saucisses fumées, viande séchée, Jésus… mais il fait également fumer de la raclette.

Le saviez-vous ?
« Les diots » est le nom d’un plat à base de saucisses natures, cuisinées traditionnellement avec des oignons et du vin blanc. Aujourd’hui nous utilisons le terme « diot » pour parler des saucisses utilisées pour cuisiner ce plat.
Le diot est donc une saucisse nature pur porc, fabriquée avec le jambon. La saucisse fumée, quant à elle, peut se manger cuite ou crue.

Tel un bon fromage (comme nous les connaissons et les aimons dans les Aravis), le saucisson nécessite des étapes de préparation (fumage, séchage…) avant de pouvoir être vendu et consommé.

Une fois la préparation prête, le saucisson prend forme dans un boyau naturel de porc (appelé le chaudin). Le saucisson est ensuite pendu par une ficelle dans la cheminée pendant 3 semaines environ pour être fumé, avant d’être retiré et placé dans le séchoir pour 6 à 8 semaines d’affinage.

Le fumoir fonctionne en continue, nuit et jour. Le soir avant de partir de son atelier, Régis remet de la sciure et du genévrier pour que le mélange se consume pendant la nuit.

Au total, je peux mettre jusqu’à 120 pièces dans la cheminée (le fumoir). Je pends toutes les charcuteries moi-même à la main, avec une échelle.

Chacun des produits a une durée de fumage et de séchage différente. L’artisan charcutier doit alors adapter sa recette à chacune des charcuteries. Par exemple, pour le jambon c’est 4 semaines de fumage et 8 mois d’affinage, la raclette reste 1 semaine dans le fumoir, les diots sont fumés seulement 24h et les filets de saumons ou truites pour les fêtes sont fumés 12h de temps.

Préparation des diots fumés dans le fumoir à Thônes
Les diots seulement fumés 24h

Interloqués de savoir comment Régis sait à quel moment les charcuteries sont fumées à point, nous lui demandons quelle est sa technique pour se rappeler de la date à laquelle il doit retirer les charcuteries du fumoir. Sa réponse est toute simple :

 à l’œil et à l’odorat.

Mais le savoir-faire y est également pour beaucoup. Grâce à une sonde fabriquée à base d’un os de cheval, il arrive à connaître le parfum du jambon et peut donc savoir s’il est à maturité.

C’est un métier dans lequel Régis ne cesse d’améliorer ses recettes ainsi que sa façon de travailler. Il affine les recettes avec plus ou moins d’épices, de sel ou de poivre.

On va dire que j’affine régulièrement mes recettes pour les rendre plus belles. En charcuterie, le visuel est très important mais la façon de couper l’est tout autant. Dans la bonne charcuterie, le couteau doit glisser tout seul, comme dans du beurre.

Quand et combien de saucissons produit-il ?

Régis et ses collaborateurs fabriquent saucissons et jambons toute l’année. Ils arrêtent la production 2 fois dans l’année : du 20 avril au 20 mai et du 15 septembre à début novembre. Ils recommencent à produire des saucissons au mois de mai-juin pour pouvoir les vendre en juillet-août. Il y a 2 à 3 mois de décalage à cause du temps d’affinage.

Fabrication de saucisses et saucissons dans l'atelier de Régis Bozon à Thônes
Régis en pleine préparation de saucisses et saucissons dans son atelier à Thônes ©Régis Bozon

Ils peuvent fabriquer jusqu’à 1 tonne de saucisson en une journée. L’artisan charcutier a aussi eu une bonne idée : il a fabriqué des saucissons plus petits, qui permettent aux consommateurs de pouvoir goûter plusieurs saveurs différentes (saucissons fumés, aux noix, noisettes, champignons, truffes, beaufort… toujours en extra-maigre) et il propose ainsi un assortiment. Ces petits saucissons sont exclusivement réservés à la vente sur les marchés et non à la boutique.

C’est une formule qui marche très très bien sur les marchés. Un gars lundi m’a pris 100 saucissons d’un coup ! Mais autant d’un coup ça reste assez rare !  

Tout ce qui est vendu à la fois sur le marché et en boutique est produit dans les ateliers de Régis.

La conservation

Le sel est un conservateur naturel, donc le saucisson une fois séché et/ou fumé peut se conserver 1 à 2 an(s) sans soucis. Seulement, il faut avoir les bons gestes pour qu’il ne perde pas de sa qualité.

Les conseils de base pour conserver au mieux un saucisson, sans qu’il perde son moelleux d’origine : l’enrouler dans un torchon et le placer au frigo. Si vous le laissez à l’air libre, le saucisson va continuer à sécher et donc il va durcir. Le torchon permet également de garder l’humidité du saucisson là où les réfrigérateurs ont tendance à générer du froid sec.

Selon Régis, la meilleure technique de conservation c’est… dans l’avoine !! Avec un de ses amis, ils ont placé un saucisson dans un sac d’avoine en contrebas du Mont Lachat aux Villards-sur-Thônes. Les années passant, les deux amis l’ont oublié, pour au final retourner le chercher, tenez-vous bien… 7 ans après !

En allant le chercher si longtemps après, on pensait qu’il allait être grignoté par les bestioles… mais pas du tout. C’est le meilleur saucisson que je n’ai jamais mangé !

Une journée type dans la peau d’un artisan charcutier

Régis se lève tous les jours à 5h. Il se rend chaque matin, avec ses collaborateurs, au Grand-Bornand pour fabriquer les plats traiteurs vendus en boutique (farcement, diots, viandes en sauce, tartiflette, tourte au Reblochon…)

Le saviez-vous ?
Le farcement est un plat typiquement savoyard, fait à base de pommes de terre râpées auxquelles sont ajoutées œufs, lard, pruneaux, raisins secs et abricots séchés, le tout entouré de lard fumé et cuit pendant 7 heures au bain-marie.
Le Farcement, plat typique savoyard, fait par Régis Bozon à Thônes

Après, il redescend à Thônes où il y a toujours quelque chose à faire : surveiller le fumage des saucissons, jambons diots ou raclettes, découper et emballer les charcuteries prêtes à être vendues… Régis et ses collaborateurs fabriquent 2 fois par semaine dans l’atelier à Thônes.

Tous les soirs, Régis remonte à la boutique pour assurer la vente au magasin et 3 fois par semaine, se rend sur les marchés de la vallée (Thônes, la Clusaz et le Grand-Bornand). En été, il a même un étal au marché de Saint-Jean-de-Sixt.

Je me lève tous les jours à 5h et je me couche à 23h. C’est du 7 jours sur 7. En pleine saison, je n’arrive même pas à m’asseoir pour manger !

Et pour la suite… ?

A 68 ans, Régis continue de vivre sa passion. Aujourd’hui, il n’a pas de successeur pour reprendre son affaire, même s’il aimerait bien que quelqu’un prenne la relève.

J’ai formé plusieurs collaborateurs qui se sont installés à leur compte dans les Aravis. Je suis très heureux de leur réussite ! Tous sont des passionnés du métier.

Régis serait même prêt à prendre quelqu’un sous son aile et le former pour reprendre son atelier de production à Thônes. Mais il nous prévient qu’il faut que ce soit un travailleur et un passionné pour y arriver !